Maggie M. Sinclair | Katherine McNamara

Pour la énième fois, Maggie n'avait pas obtenu de réponses à ses questions. Elle avait demandé « Pourquoi ? » à ses parents un nombre incalculable de fois et chaque fois leurs réponses n'étaient pas claires... quand ils daignaient lui répondre plutôt que de lui dire « Arrête de poser toutes ces questions ! ». Elle avait demandé au Père Clayton qui lui avait dit que la curiosité était un vilain défaut. Face à ces échecs, elle s'était tournée vers Dieu... mais s'il avait écouté ses prières, aucune réponse ne lui était parvenue. Finalement, elle avait cessé de demander pourquoi, de chercher une logique dans toutes ces choses troubles. Maggie semblait être la seule à se questionner... Toute sa scolarité, Maggie l'a effectuée dans des établissement privés aux règles plutôt strictes en matière de comportement ou même de style vestimentaire. Que ce soit à la maison ou en classe, on lui a appris à ne pas être trop sexy, à ne pas être trop voyante, à toujours rester dans la classe et la sobriété au point de la faire complexer de sa propre couleur de cheveux si voyante. Intérieurement, elle brûlait, animée par un vent de contradiction et de révolte... pourtant, elle restait sagement à sa place. Surtout, ne te fais pas remarquer. Mais si seul Dieu pouvait la juger, ça changeait quoi de porter une jupe trop courte ou de se mettre du gloss pailleté ?

Maggie a très tôt remis la Bible en question... il y avait trop d'incohérences. Et la chose qui l'a le plus fait douter de sa religion, c'était ses propres sentiments. Chez elle, ce n'était pas vraiment quelque chose qu'on exprimait inutilement... qu'on exprimait tout court. Dieu parlait d'aimer son prochain, il s'adressait à "quiconque" pourtant c'était écrit dans la Bible “Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme, cela serait une abomination.” et qu'en était-il de coucher avec une femme comme on couche avec un homme ? Maggie n'avait jamais couché avec personne jusqu'à présent, de toute manière, mais elle se rendait bien compte qu'elle regardait les filles avec plus de plaisir que les garçons. Etablissement privé ne voulait pas dire que tout le monde était croyant jusqu'au bout des ongles. Nombreux étaient les élèves qui se comportaient parfaitement bien en classe mais étaient loin d'être des modèles de perfection en dehors. Elle savait qu'il y avait des couples même s'il était hors de question de montrer quoi que ce soit dans l'enceinte du lycée. Plusieurs de ses amis l'étaient, elle écoutait les filles tantôt s'émerveiller sur leur petit-ami parfait, tantôt râler car il était le pire des abrutis. Maggie écoutait, souriait... elle regardait les garçons et elle en trouvait de beaux... mais son regard avait toujours été plus attirée par les courbes délicates et le visage fin des filles. Plus Mggie s'en rendait compte, plus elle se forçait à chercher du charme chez les garons de son âge.

Sa première soirée... Maggie avait enfin eu une autorisation de sortie pour autre chose que dormir chez une copine après avoir eu les parents au téléphone. Une amie à elle l'avait maquillée et lui avait prêté des vêtements. Dans un premier temps, Maggie avait trouvé que c'était trop... qu'on allait voir qu'elle mais son amie lui avait garanti que ce ne serait pas le cas. En effet, arrivées sur place, Maggie se fondait parfaitement dans la masse. C'était la première fois qu'elle faisait une vraie soirée avec de l'alcool, pas d'adultes, de la musique à tue-tête. C'était un peu un autre monde pour elle mais ça faisait un bien fou de sortir de tout cet univers guindé et sans cesse tiré à quatre épingles. Elle n'était pas totalement à son aise mais à mesure que les heures avançaient, elle se détendait, riait, faisait des rencontre, elle avait même un peu bu. Elle s'était aussi laissée embarquer dans un jeu de la bouteille et pour la première fois, elle avait embrassé une fille. Ce qu'elle avait éprouvé l'avait définitivement conforté dans ce qu'elle savait depuis longtemps : elle aimait les filles. Si une part d'elle était ravie d'enfin en être sûre... une autre partie était terrifiée. Dans sa famille, c'était totalement impensable. Et qu'est-ce que les gens allaient dire d'elle s'ils savaient ? Rien que d'y penser, ça lui donnait la nausée et ça n'avait rien à voir avec la malheureuse vodka-orange qu'elle avait bu. Elle n'avait plus qu'à lutter contre sa nature profonde... Elle avait ainsi sauter sur l'occasion de sortir avec ce garçon avec qui elle s'entendait bien, qui la faisait rire, qui était charmant mais... c'était tout. Pour autant, Maggie s'était dit qu'en sortant avec lui, elle se rendrait compte qu'il ne s'agissait que d'une phase.

Ça n'avait pas duré très longtemps avec son petit-ami. Deux mois, tout au plus. Leur jeune âge y était pour quelque chose... le fait que Maggie refusait de coucher avec lui y était sûrement pour encore plus. Elle mettait cela sur le dos de sa foi, de son éducation, pas de sexe avant le mariage. Maggie n'était pas convaincue de se conserver jusque là... mais c'était une excuse plus facilement sortable que "je préférerai essayer avec ta sœur". La vérité c'est que Maggie avait beau l'apprécier, elle n'était nullement attirée par lui. Même se baisers ne lui faisaient pas vraiment d'effet. Alors bien évidemment... ça ne pouvait pas durer. Ces histoires de l'avaient pas empêché de travailler. Elle avait d'excellente notes, elle était sortie du lycée avec une mention très bien et les félicitations du jury. Quitter le lycée fut une bénédiction pour elle. Entrer à la fac, surtout ! Maggie avait obtenu une chambre étudiante sur le campus et c'était un véritable plaisir ! Oui c'était petit mais c'était chez elle. Elle était libre d'aller et venir à l'heure qu'elle voulait, de rester en pyjama toute la journée, de manger ce qu'elle voulait, elle n'avait de compte à rendre à personne. Et par-dessus tout... elle étudiant enfin quelque chose qu'elle aimait. L'art... elle avait toujours eu ça dans les veines, au fond de ses tripes ! Maintenant, elle l'étudiant sérieusement. Si l'art n'était pas vraiment le domaine dont ils rêvaient pour Maggie, ils savaient qu'elle était faite pour ça, c'était comme si elle était née avec un crayon dans la main alors ils n'avaient pas eu à batailler pour que la jeune fille puisse faire ce qui lui plaisait.

En assez peu de temps, Maggie avait beaucoup évolué. Son indépendance lui faisait beaucoup de bien. Elle avait même retrouvé le courage de revenir à sa couleur de cheveux naturelle sans craindre d'attirer le regard. Il faut dire qu'à côté des look hippies aux cheveux bleus qu'elle fréquentait dans sa filière, elle semblait très naturelle. Régulièrement, elle pointait le bout de son nez aux soirées étudiantes, elle flirtait gentiment avec d'autres étudiants... mais c'était toujours les étudiantes qui l'intéressaient. Pendant l'une de ces soirées, elle avait découvert les plaisirs féminins. Nom de Dieu, c'était une révélation... sans blasphème, bien entendu ! Le plaisir qu'elle avait ressenti avait balayé : le fait d'avoir couché avant le mariage, le fait d'avoir couché avec une femme et le fait d'avoir trompé son petit-ami du moment. La rumeur s'était répandue mais Maggie avait réussi à faire passer tout ça pour des ragots infondés. Comme pour prouver qu'elle était hétéro et fidèle, elle avait accepté de faire sa première fois avec son petit-ami. Pas une grande réussite... peut-être parce que c'était la première fois ? Après tout... ça ne devait pas être si terrible les fois suivante. En effet, c'était moins douloureux les fois suivantes mais pour ce qui était du plaisir et de l'orgasme... clairement, Maggie n'était pas satisfaite. Alors elle avait commencé à s'éloigner de son quartier pour se rendre dans des boîtes gays, là où elle ne connaîtrait personne. Elle a à nouveau couché avec des femmes et il n'y avait pas à dire, ça valait mille fois mieux. La Bible racontait des cracks. Elle avait été écrite uniquement par des hommes, pas par Dieu lui-même. Jamais Dieu n'aurait créé quelque chose d'aussi fabuleux pour l'interdire... ou bien c'était un putain d'enfoiré. Mais la société, elle... elle jugeait bien plus intensément que Dieu.

Ce garçon.. il faisait plus d'effet à Maggie que tous ceux avec qui elle avait pu flirté ou sortir. Il avait un je-ne-sais-quoi qui la faisait craqué... peut-être qu'il était le bon. Celui qui mettrait fin à ce truc compliqué et insensé avec les femmes. Celui qui la ferait rentrer dans le moule et pas dans la moule, avec qui elle pourrait se poser, le présenter à ses parents... Vraiment, quand ils s'étaient embrassés, elle avait ressenti quelque chose. Cependant... quand Maggie avait décidé qu'elle était prête à coucher avec lui.. il n'y a pas eu d'étincelle. Comme toujours, elle avait simulé, elle l'avait laissé croire que ça avait été bien. Pourquoi devait-elle essayer de changer qui elle était après tout ? Le bon sens aurait voulu que Maggie rompe avec lui... mais elle l'appréciait sincèrement et malgré ça, il était surtout une très bonne couverture pour ce qu'elle n'était pas prête à crier au monde entier. Elle s'en voulait car elle savait qu'elle ne lui serait pas fidèle, qu'elle prendrait son pied avec des femmes pendant qu'il la penserait sagement chez elle. Même parmi ses amis proche, personne n'était au courant de l'homosexualité de Maggie. Du moins... si certains le soupçonnaient, elle ne l'avait jamais confirmé, elle ne l'avait jamais avoué à haute voix. Moins elle le disait et moins la rumeur risquait de monter aux oreilles des mauvaises personnes. Elle ne pouvait décemment pas dire à ses ultra conservateurs de parents qu'en plus d'être une artiste, elle n'était plus vierge et qu'elle était lesbienne. C'était un coup à être reniée de la famille... elle voyait d'ici sa soeur la narguer. Déjà qu'avec sa perfection exaspérante, elle ne s'en privait pas. A chaque repas de famille, Maggie ne pouvait esquiver les « Et toi Margaret, pas d'homme en vue ? ». Chaque fois qu'elle posait la question, elle avait l'impression que sa soeur savait et qu'elle guettait la moindre occasion d'envoyer la rouquine à l'échafaud. Quoi qu'il en soit, Maggie continuait de sourire à tout le monde, à faire comme si de rien n'était, enfouissant la vraie Maggie au fond d'elle pour ne la faire surgir que lorsque personne ne regardait.