Mon père était une erreur de jeunesse comme disait ma mère. Même si ça n'était pas vraiment ça. J'avais finis par connaître la vérité à savoir qu'elle s'était prostituée pour réussir à vivre. Le quartier dans lequel elle vivait n'avait pas une mauvaise réputation pour rien, il était difficile d'y vivre convenablement. Et j'imagine que ceux qui arrivent à gagner leur vie correctement partent s'installer dans des quartiers mieux fréquentés. Enfin tout ça pour dire que mon père n'était rien d'autre qu'un type qui s'était payé du bon temps avec une pute et qui ne devait même pas soupçonner mon existence. Quand elle était tombée enceinte, Nancy, ma mère, avait arrêté de faire ça et avait fait la manche en attendant de trouver un vrai boulot. Elle réussit à se trouver un job de femme de ménage et pu accoucher avec de quoi nourrir son enfant. J'ai toujours appris à me contenter de ce que j'avais et à ne pas me plaindre de ne pas avoir plus. Je voyais ce qu'on me donnait plutôt que ce que je n'avais pas. C'est sûrement par cette façon de penser que je n'ai jamais trop souffert de l'absence d'un père. Au lieu de voir que je n'avais pas de père je m’estimais surtout heureux d'avoir une mère. Ma mère c'était la femme de ma vie, je n'avais qu'elle et elle n'avait que moi, c'était un équilibre parfait.
"Trésor tu arroses les tomates s'il te plaît ?" Je souriais et tendais les bras pour attraper la bouteille d'eau qui se trouvait sur la commode encore un peu haute pour moi à l'époque. Puis j'allais tout gaiement arroser les quelques plants qu'on avait, heureux de pouvoir aider ma maman. On ne roulait pas sur l'or même loin de la, on avait ni télé, ni portable ni autre trucs demandant un paiement régulier. L'argent que ma mère ramenait passait en premier lieu dans la bouffe et le loyer. Et quand elle voulait me faire des cadeaux pour mon anniversaire ou Noël c'était toujours au dépend de ses petits plaisirs à elle. Elle se privait pour pouvoir me faire sourire. Ma mère était une sainte.
"Un jour je t'emmènerai dans un château grand comme ça juste pour toi, avec plein de nourriture gratuite !" Elle me souris puis m'embrassa le front avant de remonter ma couverture sur mes épaules
"J'ai hâte de voir ça mon chéri ça a l'air vraiment bien mais pour l'instant il faut reprendre des forces et se reposer" j'hochais la tête et la regardais sortir de ma chambre. Une fois la porte fermée j'attrapais la lampe torche qui était sous mon matelas et prenais mon livre que je lisais au moins pour la quinzième fois. C'était celui de mon dernier anniversaire. Mais quelques minutes plus tard j'entendais quelqu'un frapper à la porte de l'appartement puis une voix d'homme et ma mère qui chuchotait. Je me levais alors et me mettais sur la pointe des pieds pour regarder par le trou de la serrure de ma porte. L'homme était assis à la table avec ma mère. J'appuyais tout doucement sur la poignée de la porte, le plus discrètement possible afin de l'ouvrir juste un tout petit peu pour essayer d'entendre ce qu'ils se disaient. L'homme n'avait pas l'air méchant, au premier abord j'avais pensé que c'était un des amis de maman. En réalité c'était une vieille connaissance à maman mais pas forcément ami pour autant
"Écoute je sais que t'es dans le rouge Nancy, sans emploi tu vas pas tenir longtemps" Alors comme ça ma mère avait perdu son boulot, mais depuis quand ?
"J'en trouverais un autre, mais je ne recommencerai pas Andrew, si j'ai accepté de te voir c'est parce que tu m'as dis que t'avais une proposition intéressante, ça s'en est pas une !" L'homme apparemment nommé Andrew leva les yeux au ciel
"Bien sûr que s'en est une, tu connais déjà le métier ! Moi je suis venu pour t'aider" "M'aider ?" Le coupa-t-elle
"Comme si t'essayerais de m'aider si c'était pas pour en tirer profit, encore !" Il lui prit la main et repris en restant calme
"Réfléchis, c'est une belle offre que je te fais, tous les macs ne laissent pas cinquante pour cent, c'est un cadeau et puis si tu y mets du tiens tu pourras gagner plus que ton salaire de femme de ménage, pense à ton enfant Nancy" Je n'étais pas sûr d'avoir tout compris à leur histoire mais je n'avais pas besoin de comprendre plus que ça. Je voyais bien que l'homme voulait faire faire un truc à ma mère et qu'elle elle ne voulait pas, et puis son regard triste ne me plaisait pas du tout. C'était l'argument "Fait le pour ton enfant" qui l'avait touché c'était évident. Je suis sortis de ma chambre et ma mère a précipitamment récupéré sa main
"Oz ! Tu dors pas ?" je secouais la tête
"J'étais pas fatigué" L'homme me regarda puis regarda de nouveau ma mère avant de se lever
"L'offre est sur la table Nancy, penses-y" Elle soupira
"Oui oui c'est ça" Il prit sa veste et sortit de l'appartement. Après quoi j'allais jusqu'à la porte pour la fermer à clé et revenir vers ma mère
"De quoi il parlait maman ?" Elle prit mon visage entre ses mains
"De rien mon ange, rien d'important, vas te coucher maintenant" Je secouais la tête
"J'y vais seulement à une condition" "Ah oui ?" "Oui, sinon je fais la grève du sommeil" Elle rit légèrement et me souris tendrement
"Je t'écoute" je la regardais très sérieusement du haut de mes sept ans
"Promet moi de ne pas faire un truc que tu n'as pas envie de faire maman" Je vis ses larmes lui monter au yeux alors qu'elle mettait sa main devant sa bouche. C'était la première fois que je la voyais comme ça, d'habitude devant moi elle était toujours souriante, ça me fit très mal. Elle hocha finalement la tête avant de me serrer fort dans ses bras
"Je te le promet chéri, je te le promet" Satisfait de cette promesse je partis me coucher et m'endormis rapidement.
Et elle avait tenu sa promesse, elle avait réussi à trouver un meilleur boulot après avoir fait une formation. Après tout rien qu'avec toutes les fournitures scolaires demandées il fallait avoir un certain budget. Je m'étais mis à sortir assez souvent, de cette façon ça économisait de la bouffe à la maison. Je ne faisais pas de crise d'ado, je n'étais toujours pas du genre à m'engueuler avec ma mère, à défier son autorité et à lui dire "vivement que je me casse". Bien loin de la, on était toujours très soudé. En revanche j'avais quand même besoin de découvrir plein de choses, beaucoup trop curieux, je voulais aller partout et faire plein de trucs. Allez partout se limitait aux frontières de la ville mais c'était déjà énorme à mon niveau. Un soir alors que j'avais quinze ans je m'étais incrusté à une soirée étudiante à laquelle je n'aurais absolument pas du être vu qu'elle était réservée aux étudiants plus âgés et non aux collégiens. Mais faisant plus vieux que mon âge ça ne choquait personne quand je disais que j'avais dix-huit ans. Déjà fervent amoureux des hommes à l'époque j'avais les yeux qui s'attardaient un peu trop sur certains d'entre eux sans m'en rendre compte. Comme ce mec qui venait de tourner la tête vers moi. En croisant son regard j'avais relâché ma lèvre inférieure que je me m'étais visiblement mordu sans m'en rendre compte et je détournais le regard l'air de rien. Trop tard j'avais été grillé. Le mec en question m'aborda moins d'une minute après. Il se trouve que j'étais tombé sur un gay aussi ou bien un bi. En tout cas à sa façon de me draguer toute la soirée il était clair qu'il aimait aussi les hommes et qu'il ne voulait pas juste savoir si je connaissais un bon bouquin pour passer le temps dans une salle d'attente. Ce soir la on s'est embrassé et quand il a commencé à montrer clairement qu'il voulait aller plus loin j'ai du le stopper maladroitement avec un
"En fait.. je.. je l'ai encore jamais fait" et au final ça n'avait pas l'air de le déranger, sauf que moi je n'étais pas prêt, pas comme ça, je ne m'y étais pas préparé. Mais du coup j'ai gardé son numéro, entrant Keith dans mes contacts. Ça m'a travaillé, j'ai fini par me faire à l'idée et la curiosité de savoir ce que ça faisait est arrivé bien rapidement au final. J'ai revu Keith et cette fois ci on est passé à l'action. Je vous épargne la scène mais j'étais content d'avoir sauté le pas. En sueur ancré dans le lit je tournais la tête vers mon partenaire de la soirée en souriant mais mon sourire disparus bien vite en réalisant qu'il était déjà en train de se rhabiller
"Ben.. tu t'en vas déjà ?" ah ben oui... En fait il avait juste voulu tirer son coup et basta, et moi je m'étais un peu fait des films. Enfin, je ne m'attendais pas à ce qu'on est une histoire ensemble non plus mais je pensais que y'avait un minimum d'affection et qu'il allait rester un peu, voir la nuit, ça n'engageait à rien après tout. Mais non. Pas question de le rappeler ou de lui envoyer un message après ça, je me sentais bien trop con pour ça. Pendant deux ans je n'ai couché qu'avec des hommes. Pour moi j'étais gay, jusqu'à ce que finalement une magnifique demoiselle me fasse tourner la tête. Elle était vraiment belle et bien que je n'étais pas doué pour draguer je l'avais au moins abordé. C'était déjà un premier pas. Au final j'avais été rapidement à l'aise en parlant avec elle et on avait énormément ris, parfois pour rien d'ailleurs. C'était presque comme dans un film. J'étais pas juste été attiré par cette femme j'en était tombé amoureux. On est sortis ensemble pendant presque un an en se voyant quasiment tous les jours même si c'était parfois que quelques minutes. Et puis la passion a fini par s'éteindre même si l'affection était toujours la. Quand on s'est mis tous les deux à avoir envie d'autres personnes on a décidé d'un commun accord d'arrêter notre histoire avant que l'un de nous ne fasse une connerie en allant voir ailleurs. Mais on ne s'est pas lâché pour autant, Rowena est devenue la meilleure amie que je puisse avoir, celle qui connait tout de moi.
Je ne m'étais pas lancé dans de grandes études mais ça n'était pas vraiment un regret. Mon but étais de travailler le plus vite possible pour pouvoir aider ma mère
"J'ai été chercher tes médicaments" Je m'accroupissais pour être à sa hauteur vu qu'à présent elle passait la plus part de ses journées dans son fauteuil roulant, ça lui permettait de ne pas trop se fatiguer.
"Alors cette boite la c'est matin midi et soir, celle la matin et soir et celle la... celle la aussi, et t'as le comprimé pour la nuit pour pouvoir mieux dormir, attend je vais tout noter sur les boites" Ma mère n'étais pas très vielle. Elle atteignait tous juste les quarante ans et moi les dix-huit. Elle aurait du être encore en pleine forme mais elle avait choppé une maladie. Maladie dont elle ne m'avait jamais parlé, elle refusait d'aborder le sujet, elle ne voulait pas que je m’affole mais ne pas m'en parler ne faisait pas baisser mon inquiétude.
"Merci mon grand, j'ai voulu préparer le repas mais j'ai bien peur d'être un peu trop maladroite maintenant pour ça" Je souris
"T'en fais pas je m'en charge, je vais nous faire un festin tu vas voir" Je sortais ce qu'on avait en réserve pour voir ce que je pouvais bien faire avec ça quand à ma mère elle partait dans une autre pièce pour finalement revenir quelques secondes plus tard
"Du coup à la place je t'ai recousu ton nounours" Je tournais la tête vers elle et un rire m'échappa
"Mais maman ça fait au moins dix ans qu'il est déchiré ce nounours" Elle sourit et haussa les épaules
"Oui je sais mais je me sentais inutile donc j'avais besoin de faire quelque chose et puis je me suis rappelé de ton nounours rescapé" Je n'avais plus vraiment l'âge de jouer avec une peluche mais devant le sourire de ma mère je ne pouvais pas m'empêcher de sourire aussi et je pris donc le nounours avant de me baisser pour lui faire un câlin
"Merci maman !" "J'y ai mis tout mon amour" je souris en me relevant
"J'en doute pas une seconde, et je vais faire pareil pour notre repas !" Je posais le nounours de façon assise sur la table contre le mur pour ne pas qu'il tombe en arrière et reprenais la cuisine. Nos repas n'étaient pas des plus riches en aliments mais on arrivait quand même à se régaler. Puis on avait quand même plus de quoi faire qu'avant. Pendant des années ma mère avait cumulé plusieurs petit boulot et mis de côté un petit peu d'argent chaque mois. Quand à moi maintenant qu'elle ne pouvait plus travailler j'avais repris deux des boulots qu'elle faisait. Un pour le matin et un pour l'après midi, au black bien sûr. Un soir alors que je rentrais de mon deuxième boulot un peu plus tard que prévus parce que j'étais passé acheter de quoi manger je montais les escaliers et entre deux étages mes yeux s'écarquillèrent en voyant ma mère au sol avec son fauteuil à moitié sur elle
"Maman !" j'avais lâcher mon sac et me précipitais vers elle
"C'est rien mon chéri" Elle s'était cassée la gueule dans les escaliers et ça faisait un bon moment qu'elle était coincée comme ça, attendant patiemment que quelqu'un lui vienne en aide. Mais comment avait elle fait pour se retrouver dans les escaliers ? Depuis qu'elle était en fauteuil elle prenait toujours l’ascenseur ! En voyant des hématomes à plusieurs endroits sur le corps de ma mère je ne réfléchissais pas plus longtemps. Ni une ni deux je décidais de l'emmener à l'hôpital. Elle fut prise en charge rapidement et amenée à une chambre. Quand à moi je n’eus pas d'autres choix que d'attendre dans la salle d'attente en me torturant l'esprit. J'entendais des morceaux de conversations entre les infirmiers qui passaient à parler d'hémorragie ou d'autres trucs horribles. A chaque fois je me demandais s'ils parlaient de ma mère. Je me levais, je marchais puis me rasseyais. Les minutes semblaient interminables. Un médecin arriva enfin vers moi et je me relevais attendant de savoir comment elle allait
"Elle présente des lésions internes très grave... A ce stade une opération a plus de chance de la tuer que de l'aider à tenir un peu plus longtemps... A votre place je lui ferais mes adieux je suis vraiment désolé..." Alors la il m'avait tout simplement abattus. Je ne savais pas quoi dire, je n'avais même pas envie de me mettre en colère. Je fixais juste le vide devant moi alors que le médecin s’éloignait après m'avoir gentiment tapoté l'épaule comme si ça pouvait m'aider. Une boule à la gorge je marchais finalement jusqu'à la chambre de ma mère qui semblait beaucoup plus fatiguée que quand je l'avais emmené à l'hôpital. Je pris une chaise pour m'asseoir à côté d'elle et pris sa main. Elle tourna la tête et m'adressa un sourire. Ce sourire finit de m'achever. Et malgré tout j'arrivais à lui sourire à mon tour alors que mes yeux s'embuaient.
"Tu as tenu ta promesse" je la regardais en serrant ma main dans la sienne
"Laquelle ?" Elle serra aussi quelque peu ma main
"Tu m'as emmené dans un grand château avec de la nourriture gratuite" Je baissais la tête pour appuyer mon front contre nos mains ne réussissant plus à contenir mes larmes. Elle a rendu son dernier souffle dans la soirée. Quand je suis rentré chez moi j'ai vu le nounours posé sur la table. Je l'ai pris et je me suis assis sur son fauteuil, puis j'ai fondu en larme, encore.
J'ai repris ma vie en main et enchaîné des boulots plus ou moins passionnant pour me payer un logement. Logement qui a lui même changé plusieurs fois d'ailleurs. Et j'ai eu quelques autres relations. La dernière en date date de deux mille dix-sept. J'ai rencontré Oliver dans un bar. J'étais en train de danser comme un con et on s'est retrouvé en train de danser comme deux cons vu qu'il m'a rejoint. C'est ce qu'on appelle un fabuleux premier contacte ! Suite a ça on a forcément beaucoup parlé et on a vite accroché. Au final peu de temps après on était ensemble, passant quasiment tout notre temps libre chez l'un ou chez l'autre. Mais ça n'a pas duré très longtemps. Trois mois après Oli m'a finalement avoué qu'il se rendait compte qu'il n'avait pas de sentiments amoureux mais qu'il s'agissait plutôt de tendresse. Je ne pouvais pas lui en vouloir, même si de mon côté, les sentiments se développaient. Ceci dit ça n'a pas été une rupture totale. Sur le plan amoureux si, mais sur le plan amicale on a continué à se voir assez souvent après ça. Faut dire qu'à passer notre temps ensemble pendant trois mois ça nous avait quand même permis de bien se connaitre. Il est du genre à savoir parfaitement ce que j'ai dans la tête même quand j'essaye de le cacher. Tout comme ma meilleure amie alias ma première copine. A croire que c'est quelque chose de commun à mes ex. En tout cas à ceux avec qui ça se passe toujours bien aujourd'hui. Je m'entend avec beaucoup de monde mais je n'ai pas énormément de personnes vraiment très proches de moi et ils en font partis. Depuis peu je bosse à la librairie et c'est une vraie caverne d'Ali Baba pour moi ! Contre toute attente j'y ai même retrouvé le bouquin que j'ai lu des dizaines de fois quand j'étais gamin et que je connaissais encore quasiment par cœur. Une sorte de retour au départ !