We are family | ft. Alistair

Nouvelle journée de travail, nouvelle journée à devoir affronter des clients parfois pas toujours très aimables. Heureusement, les mauvaises expériences étaient bien moins nombreuses que les bonnes, mais Alistair avait trop souvent tendance à s’attarder sur ça. Au moins, il avait progressé depuis ses débuts au Starbucks. Il faisait moins de gaffes et se faisait donc moins engueuler par les clients. Ses collègues avaient toujours été très patients avec lui, parfois même un peu trop. Il n’avait jamais vraiment compris pourquoi, mais le fait était que certaines clientes semblaient ne venir que pour le voir. Là encore, le jeune homme ne comprenait pas. Mais il était naïf, peu sûr de lui et ne voyait souvent pas ce qui se trouvait juste devant son nez. Voilà plusieurs mois qu’il avait fui le domaine familial et sa famille, surtout son père, et pourtant, il n’avait encore croisé personne qui aurait tenté de le faire revenir, de gré ou de force. C’était étrange…Pour autant, il n’était pas serein. Il avait parfois l’impression d’être épié, suivi. Peut-être que son paternel avait engagé un détective privé pour le suivre et pour lui rapporter ses moindres faits et gestes. Peut-être son père attendait-il juste le bon moment pour intervenir. Peut-être attendait-il qu’Alistair soit au bord du désespoir, qu’il soit perdu. Oui, il avait été perdu au début, n’y connaissant rien à cette vie en-dehors des murs du domaine, mais jamais il n’avait songé à y retourner. Il en apprenait tous les jours et cette vie bien plus simple lui plaisait bien. Il n’avait aucune contrainte, aucune pression, du moins pas de la part de ses parents. Il n’était pas un vulgaire pantin. Il avait mis longtemps à s’en rendre compte, mais grâce à sa plus jeune sœur, il avait enfin ouvert les yeux. Héritier ou pas, il voulait vivre sa propre vie, prendre ses propres décisions.

Il était bien loin de se douter que sa vie serait bientôt à nouveau totalement chamboulée, que la jeune femme qui venait de se présenter au comptoir le connaissait et qu’elle allait très probablement provoquer tout un tas d’émotions chez le jeune homme. Lorsqu’elle lui demanda s’il était bien Alistair Hamilton, son cœur loupa un battement. Quoi ? Comment ? Était-ce son père qui l’avait envoyée ? S’était-il avancé en pensant qu’il pourrait peut-être enfin être un peu en paix ? Il fut incapable de sortir le moindre mot pendant de longues secondes, fixant l’inconnue avec de gros yeux qui ne masquaient évidemment en aucun cas sa surprise. « Je…oui ? » C’était vraiment tout ce qu’il avait à dire ? La surprise était toujours là, son cœur battait à tout rompre. Il avait peur. Peur que ce soit son dernier jour ici, peur que son père apparaisse dans l’encadrement de la porte, escorté par plusieurs gardes du corps, pour le ramener de force. Oui, il paniquait et envisageait le pire. Même si cette femme n’avait pas l’air menaçant ou quoique ce soit. Mais il fallait se méfier, non ? Comme on disait si bien : l’habit ne fait pas le moine. Ou alors, il était juste parano. Ce qui était évidemment compréhensible dans sa situation. Elle enchaîna en disant qu’elle devait lui parler, puis l’invita à la rejoindre lorsqu’il aurait quelques instants. Alistair ne savait toujours pas comment réagir et ce fut finalement son collègue qui le fit sortir de sa torpeur en lui intimant de se dépêcher. Le jeune homme hocha juste la tête à l’attention de l’inconnue, puis se remit au travail jusqu’à pouvoir prendre une petite pause.

Il finit donc par la rejoindre, stressé, nerveux, le cœur battant toujours à tout rompre. Il en avait presque mal au ventre. Qui était-elle ? Que lui voulait-elle ? Il prit une profonde inspiration, puis s’installa en face d’elle. « Vous vouliez me voir… ? » Elle avait beau l’avoir tutoyé, c’était bien trop pour lui. Il ne pouvait pas tutoyer quelqu’un qu’il venait juste de rencontrer. Impossible. « Qui êtes-vous ? C’est mon père qui vous envoie ? Si c’est le cas… ne perdez pas votre temps. Je ne rentrerai pas. » Il détourna le regard, sentant le rouge lui monter aux joues. Il était embarrassé. Et s’il faisait fausse route ? Si ça n’avait rien à voir ? Alors…il venait sans doute de se ridiculiser en beauté. Trop tard.

Alistair ne comprenait rien à ce qui se passait. Qui était cette fille ? Pourquoi semblait-elle le connaître ? Pourquoi voulait-elle lui parler ? Mille et une questions lui traversaient l’esprit et, évidemment, il avait surtout peur qu’elle ait été envoyée par son père. Il devait en avoir le cœur net. Alors, il avait fini par la rejoindre, le cœur battant à tout rompre et une boule au ventre. Oui, il se mettait dans tous ses états pour peut-être pas grand-chose. Cependant, quelque chose lui disait que ce que cette inconnue avait à lui dire était important. Elle avait un air bien trop grave pour que ce ne soit qu’une broutille. Une seconde. Et si…et si elle était déjà venue ici et qu’elle avait craqué sur lui ? Si elle s’apprêtait à lui déclarer sa flamme ? Bon sang, c’était n’importe quoi ! Bonjour, l’imagination.
Alors, lorsqu’il avait enfin fini par la rejoindre, il alla droit au but. Tourner autour du pot ne leur apporterait certainement rien de bon, à tous les deux. Bien entendu, sa première question fut au sujet de son père. La jeune femme semblait surprise et déclara finalement qu’elle ne connaissait même pas le père d’Alistair. Ce dernier sentit soudain comme un poids disparaître, même si ça ne lui en disait pas plus sur les intentions de cette fille.

Elle enchaîna en se présentant et en parlant d’elle et de sa vie. Ou plutôt, de son père. Alistair l’écouta sans l’interrompre et ne put s’empêcher de hausser un sourcil. Pourquoi lui parlait-elle de son père ? Le blond ne comprenait pas où elle voulait en venir. « Euh…d’accord ? » Sérieusement ? C’était ça, sa réponse ? En même temps, il ne savait absolument pas quoi répondre à ça. Il avait presque envie de lui dire qu’il n’était pas psy ou un truc du genre et que si elle avait besoin de se confier à quelqu’un, elle avait choisi la mauvaise personne. Néanmoins, elle enchaîna assez vite pour enfin lâcher la bombe. Elle… quoi ? Alistair la regarda un instant d’un air totalement ahuri, les yeux écarquillés et la bouche ouverte, tel un magnifique merlan frit. Ah, ce qu’il devait avoir l’air intelligent en cet instant ! Le temps semblait s’être arrêté. Il ignorait combien de temps il était resté comme ça, sans doute seulement quelques secondes en réalité, mais ces secondes lui parurent durer des heures. Il finit par se reprendre en secouant légèrement la tête, puis il posa son regard sur la jeune femme en face de lui. « C’est…sérieux ? » Si ça ne l’était pas, elle n’aurait pas fait cette démarche, si ? Il était bien trop naïf pour ne serait-ce que songer à la possibilité que la dénommée Nia puisse simplement vouloir profiter de lui et de son argent. « Mais… comment ? » Son père ? Infidèle ? Ayant fait un enfant à une autre femme que son épouse ? Que la mère d’Alistair ? Son père qui se disait toujours irréprochable ? Son père qui demandait à ses enfants d’être parfaits ?

Alistair avait l’impression que son monde s’écroulait, que la conception qu’il s’était toujours faite de son père s’écroulait. Il devait se reprendre. « Je…désolé de ma réaction. C’est juste que… je ne m’attendais pas du tout à ça. Je…J’ai toujours vu mon père comme parfait. Comme quelqu’un qui respecte les valeurs qu’il nous a si longtemps inculquées. » Etait-il déçu ? Certainement. Mais de son père. Pas de cette jeune femme qui n’y était pour rien. « J’imagine que venir me voir a dû être difficile pour toi. Mais…comment tu m’as trouvé ? » Il ne savait pas par quoi commencer, alors il disait la première chose qui lui passait par là tête. Cela semblait une question futile, mais il s’interrogeait vraiment, pour le coup.