Good or bad deeds? It's up to you. (ft. Connor)

Il était aux alentours de minuit lorsque je quittais le squat où se terrait Eanna, le sac sur mon dos contenant mes affaires de sport. Ces dernières n'étaient là que pour planquer le plus important : la came que j'avais récupéré chez la rousse. Pas une quantité énorme, mais suffisamment pour que mon dossier soit renvoyé en commission si je me faisais prendre. Il me restait un peu plus d'un mois avant la fin de ma conditionnelle, d'ici là je tâchais de faire profil bas même si je n'avais pu me résoudre à arrêter de prendre ces merdes. Le principe même de volonté n'était même pas entré dans l'équation, je ne m'étais pas posé la question, n'avait pas essayé de lutter, simplement parce-que je savais pertinemment que c'était le seul moyen qui m'était offert pour faire taire cette culpabilité constante qui me rongeait chaque jour un peu plus. D'avantage lorsque je voyais l'état de ma mère qui, s'il ne s'aggravait pas à proprement parler, ne s'arrangeait pas non plus. Bien sûr que je jouais avec le feu, mais jusqu'à présent j'avais su passer entre les mailles du filet. Restait qu'à espérer que les choses continueraient de la sorte.

Une main glissée dans la poche de ma veste en jean, l'autre tenait une cigarette. Juste ça. Parce-que je n'étais pas inconscient au point de fumer autre chose en pleine rue. Certains coins étaient plus animés que d'autres mais, comme souvent, personne ne faisait réellement attention à moi. Je n'étais pas le genre de type qui attirait l'attention, me fondant sans trop de mal dans la masse. Du moins tant qu'on ne me cherchait pas de noises. Ceux qui s'y risquaient se retrouvaient bien vite confrontés à mon impulsivité presque maladive et, bien souvent, mes techniques en matière de boxe les laissait bien plus amochés que moi. Malgré tout, j'essayais de prendre sur moi, suffisamment pour ne pas élever les soupçons des autorités et risquer de me retrouver une fois encore derrière les barreaux. Ma mère ne ferait que sombrer un peu plus, sans oublier Ciaràn à qui je ne pouvais décemment pas infliger cela une seconde fois.

Au détour d'une rue, je relevais le nez en voyant un type arriver vers moi en courant. Arquant les sourcils, me décalant de justesse pour ne pas me faire bousculer, j'entendis les cris d'une femme plus en avant. Elle aussi courait, apparemment désemparée. « MON SAC !! ARRÊTEZ-LE IL A... MON SAC !! » Un coup d’œil à la femme. Un autre à ce type qui se barrait. Sans réfléchir d'avantage je jetais ma barrette de nicotine quasiment consumée et me mettais à sa suite. S'il traversait la route sans réfléchir, je l'avais suivi tout aussi bêtement, ne prêtant qu'à moitié attention aux bagnoles qui klaxonnaient. Parvenant enfin à agripper son sweat pour le stopper dans sa course, je le tirais en arrière jusqu'à le plaquer contre un mur, lui assenant immédiatement un cou dans le ventre pour parer à toute attaque. Dans l'élan, le type lâcha le sac de la pauvre femme, ce dernier s'échouant à ses pieds alors qu'il me hurlait de le lâcher « Estimes-toi heureux de pas être tombé sur des flics » sifflais-je d'un ton mauvais alors qu'il essayait toujours de se dégager de ma prise.

M'étant apprêté à desserrer ma prise sur le type qui n'avait de cesse de m'intimer de le lâcher, je retins de justesse un coup vers l'arrière lorsqu'on m'agrippa fermement l'épaule. Si j'avais cru au départ que cette tierce personne était un pote au voleur, qu'elle venait me régler mon compte, me tenant déjà prêt à renvoyer la balle, je me figeais net aux mots du type. On est jamais bien loin ? Il était quoi ? Flic ? « C'est une blague ?! » sifflais-je alors qu'il me passait sans ménagement les menottes, médusé de voir que je me faisais prendre alors que j'avais simplement aidé cette femme à récupérer son sac. Un peu trop violemment, certes, mais au moins le voleur n'était pas reparti avec. C'était ce qui comptait pas vrai ? La manière de faire n'était qu'un détail. Ou pas, apparemment.

Ne retenant pas un soupir excédé, j'avise l'autre d'un regard noir, secouant la tête. « J'ai vu ce type filer en courant et madame qui criait au voleur, je m'en suis occupé, aussi simple que ça. » Sans doute mon ton avait-il été un brin agressif, trop excédé, mais je pouvais difficilement ignorer la nervosité qui était venue se mêler à la rage. Si le flic fouillait mon sac... j'étais cuit, réellement. Le cocktail ne faisant qu'accentuer cette impulsivité qui était mienne. Pas le moment de foirer. Pas du tout. « Faut qu'vous l'arrêtiez ! J'courais tranquille quand il m'a sauté d'ssus pour m'cogner ! » baragouinait l'autre en cherchant à croiser le regard des flics comme pour montrer sa pseudo-sincérité. « Sérieusement ? J'aurais dû t'refaire le portrait direct ça t'aurais évité de dire des conneries » ne pus-je m'empêcher de répondre de ce ton sec, mâchant mes mots comme à chaque fois que la colère prenait le pas sur mon calme habituel.

Manquerait plus que je plonge à cause d'un connard pareil. Pire : de ma volonté à aider une tierce personne. Laissant filer un nouveau soupir excédé, je captais justement ladite femme qui arrivait jusqu'à nous, essoufflée. « Mon sac... vous l'avez... » Et ce fut tout avant qu'elle ne prenne le temps de reprendre son souffle. Sauf que ce ne serait pas suffisant pour plaider ma cause, sans doute pas. Quoi que la manière dont elle restait à l'écart de l'autre gars, lui lançant des regards méfiants, pouvait bien prouver qu'il était fautif. Comme si elle sembla enfin me voir, elle secoua la tête. « Il n'a rien fait, pourquoi le menotter ? » Arquant un sourcil, je posais mes prunelles claires sur le flic qui m'avait passé les menottes, lui lançant ce regard qui ne faisait qu'avancer un qu'est-ce que je disais silencieux. Restait qu'à espérer qu'ils ne tiendraient pas rigueur de la manière dont j'avais arrêté le voleur et qu'ils ne chercheraient pas à en savoir plus sur moi.

Une foutue situation de merde, il n'y avait pas d'autre mot pour définir ce qu'il se jouait, là. Et à me retrouver bloqué de la sorte par un flic alors que mon seul but avait été d'aider une femme qui se faisait voler son sac, je ne pouvais m'empêcher d'être de plus en plus nerveux. Essayant tant bien que mal de prendre ma propre défense, pas forcément aidé par mon ton un brin trop agressif -foutue impulsivité-, je ne pus retenir un regard sombre au flic qui nous intimait de la fermer comme si nous étions tous les deux coupables. Apprendre à te défouler autrement. Qu'est-ce qu'il sous entendait par là ? Que ma seule motivation avait été de casser la gueule de ce type ? C'était en effet bien mon défouloir mais je m'assurais toujours pour que les coups restent sur le ring, la plupart du temps du moins. Inutile cependant de m'engager sur ces explications là, mieux valait me la fermer et ne pas aggraver mon cas en espérant simplement que maintenant que la femme avait éclairci la situation, il me laisserait filer.

Ou pas. Sans pouvoir contrer quoi que ce soit mon sac se retrouva dans les mains du flic qui se décidait à la fouiller, me faisant lâcher un « vous avez l'droit d'faire ça ?! » un brin nerveux. Et visiblement oui, il avait le droit. Fermant quelques secondes les yeux, j'inspirais et expirais comme par résignation, me préparant déjà à ce que mon petit équilibre précaire se casse la gueule pour de bon. En parlerais-je à quelqu'un cette fois ou ferais-je à nouveau le mort en encaissant quasi seul l'incarcération ? Combien de temps ma mère survivrait-elle si je n'étais plus dans le décor ? Arriverais-je seulement à rester aussi calme que la première fois ? Tellement de questionnements et une seule pensée logique : se tirer en courant. Inutile tout en sachant qu'ils me retrouveraient, sans doute commenceraient-ils même à chercher parmi ceux qui avaient encore du sursit. Bingo.

Rouvrant les yeux en suivant l'échange entre la femme et le flic qui avait toujours mon sac, je fronçais les sourcils, l'entendant dire que j'étais clean. Il n'avait pas assez bien regardé mon sac ? N'avait-il pas vu ce qui était planqué parmi les fringues ? Les poignets enfin libres, je passais machinalement mes doigts dessus comme pour en faire disparaître la froideur des bracelets, prêt à récupérer mon sac avant de sentir que le flic me retenait tout de même. Il faut qu'on parle. Un nouveau coup de pression et je suivais malgré moi, plantant sur lui mes prunelles claires, une pointe de colère y étant toujours visible malgré l'angoisse. « Nan en effet » répondis-je quant à cette fameuse récompense, laissant filer un nouveau soupir. Et les questions continuèrent. Autant jouer la franchise maintenant qu'il avait découvert tout ce bordel. « Conso perso. Exta, coke et weed. » Il m'arrivait de prendre d'autres trucs mais je n'en n'achetais pas. Trop risqué. Je tirais déjà bien trop sur la corde avec tout cela.

Regardant toujours le flic droit dans les yeux, j'inspirais. « J'suis sérieux, je deale pas. Et j'avais surtout pas prévu d'me faire prendre en essayant de récupérer le sac de cette femme » ajoutais-je en secouant la tête, passant une main nerveuse sur mon visage. « Il va se passer quoi ? » Une question que j'aurais peut-être dû ne pas poser, sans doute aurait-il été plus judicieux de simplement attendre de voir ce que le flic allait faire, mais l'idée de retourner derrière les barreaux me rendait bien trop nerveux pour que je parviennes à juste attendre.