Dans la forêt

Une jolie journée de printemps. Assez froide pour ne pas trop rapidement se retrouver en sueur, mais assez chaude pour ne pas se les geler non plus. Les chiens ont besoin de bouger et, à son avis, courir en ville à l’aube est peut-être un bon exercice quotidien, mais il faut parfois pousser un peu plus loin l’activité. Une course en forêt est de loin plus énergivore. Heureusement, les border collies sont des chiens vifs et énergiques. Ils seront peut-être très fatigués ce soir, mais ils devraient rapidement s’en remettre. Une première tentative pour Hetty en milieu sauvage avec trois chiens qu’elle ne connaît pas encore tant que ça sur un terrain qu’elle ne connait pas du tout. Un défi pour elle aussi qui aime bien la course hors sentier. Enfin, elle adore la course hors sentier.

Tout d’abord en voiture avec les trois chiens, elle se stationne dans une entrée publique et fait descendre les chiens. Elle les rassemble autour d’elle le temps de prendre son sac avec l’essentiel en cas d’urgence. Même si on fait du hors piste, mieux vaut être un minimum préparé. Et Hetty est préparée, mais elle n’a encore jamais fait de hors piste dans cette forêt. Elle devra être prudente, mais en même temps, c’est ce qui est amusant, le stress de ne pas savoir ou on va mettre les pieds. Elle commence par courir dans le sentier mal entretenu, des friandises pour chien plein les poches pour éduquer ses bêtes à revenir sur demande. Ils ne sont pas très désobéissant, mais surtout nerveux. Ici, ils auront des tas de choses à sentir, mais elle doute qu’ils seront bien susceptible de foutre le camp. Sinon, eh bien c’est un risque à prendre. Ok, après quelques minutes, elle se dit qu’elle est assez bien réchauffée. Elle clique sur son compte à rebours et se dit que trente minutes dans un sens, trente pour revenir, c’est pas mal pour une première fois. Son GPS est aussi activé, pour qu’elle sache ou revenir, quand même.

La course se passe bien, les chiens suivent et dès qu’ils s’éloigne, elle est rappelle et ils reviennent, ont droit à leur gâterie et ils repartent tous les quatre. Lorsque son téléphone sonne pour marquer la fin du trente minutes, Hetty se félicite, félicite ses bêtes et leur offre encore une gâterie. Quelques minutes de marches pour reprendre son souffle et elle se remet à la course. Elle est bien cette forêt, moins accidentée qu’elle ne l’aurait crue. Du moins jusqu’à ce qu’elle mette le pied sur ce tronc pourri qui, au lieux de la supporter, lui fait perdre l’équilibre. Elle essaie de se rattraper, mais elle chute en travers un minuscule ruisseau. Qui dit ruisseau dit roches émergentes et/ou racines émergentes. Dans les deux cas, c’est plus dur que sa peau. Sans parler des aiguilles de conifères qui se plantent dans sa peau ses mains et ses genoux et des branches brisées et des roches qui lui érafle à peu près tout le reste qui entre en contact.

- Aaaarrhhhmmpffff, émet-elle après quelques longues secondes d’immobilités.

Elle a un gémissement douloureux et se redresse un peu ou du moins elle se remet à l’horizontale hors du ruisseau. C’est moins humide. Après quelques autres secondes, elle s’assoit et retire les aiguilles de conifères dans ses mains et frotte ses genoux. Les chiens tournent autour, l’air de se demander pourquoi elle s’est arrêtée comme ça. Elle finit par lentement se relever et s’examine. Elle a l’air d’un zombie. Sang compris sur son survet jaune pâle. Ouais, allez en forêt en survet pâle, c’était pas une bonne idée. Enfin, si pour se faire voir, mais pas vraiment si elle comptait ne pas le tacher. Mais bon, ça c’est raté. Parce que la résine et l’humus, ça tache… et le sang aussi… Ouais, bon, elle va peut-être retourner à la voiture en marchant plutôt qu’en courant.

- Shit...

La ballade vient de perdre tout son attrait. D’autant plus que c’est douloureux. Elle marche, ses chiens sur les talons quand Nexus jappe et se met à courir, avant de disparaître un peu plus loin. Évidemment, Volens et Stratus l’imitent aussitôt. Hetty les appelle, les siffle, mais ils ne reviennent pas.

- Wais, c’est ça, laissez-moi toute seule, bougonne-t-elle en marchant dans la direction qu’ils ont prise. Elle n’a pas à marche bien longtemps, elle contourne un petit bosquet et elle se retrouve sur un sentier assez large. Du moins assez large pour une voiture. Elle entend les chiens japper et elle les siffle, avant de quand même marcher dans leur direction. Et une dizaine de minutes plus tard, elle débouche sur une maison. Volens et Nexus viennent la rejoindre.

- Stratus !! ICI ! appelle-t-elle. Et puis elle voit quelqu’un. Euh… salut.

Et ce regard qu’on lui jette. Ah ouais, c’est vrai, elle s’est planté et elle a l’air d’un zombie.

Elle espère qu’il n’a pas trop peur en la voyant dans cet état. Elle sait qu’elle a vraiment l’air post-apocalyptique. C’est bien pour cette raison qu’elle se force à sourire même si elle a très mal et qu’elle n’a pas très envie de sourire. Elle a surtout envie de prendre un bain tiède de bicarbonate de soude pour soigner toutes ses écorchures. Et de ne surtout pas sourire. Mais il le faut. Parce que c’est un simple accident et qu’,il n’y a rien de dangereux. Non, tout va bien, mais elle a mal partout. Elle apprécierait bien de se reposer quelques minutes et de soigner ses écorchures. Alors donc, l’invitation tombe à point, quoiqu’elle hésite un peu sur les intentions de l’homme. Est-ce que c’est une question, une affirmation interrogative ou une ironie ? Sa phrase semble invitante, mais sa manière de la formuler un peu moins. Il sourit, mais pas tout à fait sincère. Elle a l’impression que son arrivée l’emmerde un peu.

- Ce serait gentil, dit-elle avec un grand sourire. Je ne resterai pas longtemps, ma voiture n’est pas très loin. Trois kilomètres pour être exact, un peu moins d’une heure pour s’y rendre en marchant. Et c’est presque rien, mais si vous pouviez me refiler un peu de désinfectant et peut-être un bandage ou deux pour que ça arrête de saigner…

Elle se demande bien sur quel genre d’énergumène elle est tombée. Un lunatique. Ou stone ? Elle ne sait pas trop, mais il ne semble pas du tout enclin à la guider vers la maison. Non, au contraire, il se dirige vers un arbre et s'assit contre les racines, avant de mettre son menton sur ses genoux. D’accord, non, il n’a pas l’air du tout en mode « allez, viens chez moi pour te soigner » et elle ne va pas entrer chez lui comme ça et aller se servir dans sa pharmacie quoi. Il est vraiment bizarre, mais étrangement, elle a l’impression que sa tête lui revient. Elle croit bien l’avoir déjà vu quelque part, mais de toute évidence, hors contexte, ça ne lui vient pas tout de suite.

- Oui. Exactement. Je me suis pris les pieds dans une racine et je me suis vautré dans un petit ruisseau. Mais je commence à sécher. Tout comme son sang sur ses genoux. Je courais en hors piste. C’est un risque à prendre ! annonce-t-elle joyeusement.

Il finit par se relever, après quelques secondes et il revient vers elle. Elle lui sourit, encore, essayant de ne pas avoir l’air de se demander où elle a bien pu tomber. Il trébuche contre elle ne sait trop quoi, une racine sans doute et s’étale de tout son long. Ouch… il a l’air de souffrir, mais il se relève bravement. Non. Non, non, non. Pas question de de le materner plus que de raisons. Sérieusement. Ça finirait bien par l’achever, ce pauvre mec qui vient de se sonner le service trois pièces. Elle fait celle qui n’a pas remarqué où il s’est fait mal, juste pour ménager son orgueil.

- Ça va ? demande-t-elle innocemment.

De toute manière, elle ne peut pas y faire grand chose. Elle ne va quand même pas le masser quoi. Elle est certaine qu’il préfère qu’elle joue celle qui n’a rien vu que de faire le contraire. Et il se présente et lui demande son nom.

- Oh, euh... Hetty, se présente-t-elle en tendant la main avant de se rendre compte que ses mains sont éraflés et que c’est pas très hygiénique de lui serrer la main. Alors elle retire sa main avant qu’il n’avance la sienne. J’aurais préféré faire connaissance dans un meilleur état. Elle a un petit rire nerveux. Hé, ici, les chiens ! lance-t-elle en attirant les chiens autour d’elle. Heum… j’ai l’impression de t’avoir déjà vu quelque part… mais je sais pas où… elle plisse les yeux et le dévisage. On se connait ?

Oui, tout à fait, la possibilité de se planter en courant hors des sentiers, tout comme dans le sentier, d’ailleurs, est un risque calculé. Mais bon, elle aurait quand même pu se faire très mal. Tout compte fait, elle ne s’en sort pas trop mal. Quelques douleurs, des écorchures, mais ça ira, dans quelques jours, ce sera guérit, mais elle devra vivre avec les gales encore quelques temps. Ce n’est pas la première fois et ça ne sera pas la dernière. Oh non, certainement pas. C’est agréable de courir ici. C’est tranquille et tellement beau. Elle n,oserait pas dire que c’est aussi beau que chez elle, parce que bon, elle aurait préféré rester chez elle, mais elle avait fait son choix et elle ne comptait pas le regretter.

- Ah, alors oui, je vous ai probablement vu à la télé, ou dans un film. C’est ça, dit-elle, pensive, parce que oui, il lui semble qu’elle l’a déjà vu, mais elle n’arrive pas du tout à remettre en contexte. Ni dans quel film ou série d’ailleurs. Ça doit être bizarre, tous ces gens qui croient vous connaître, quand vous n’avez aucune idée de qui peuvent bien être ces gens, ajoute-t-elle avec un grand sourire.

Elle le suit à l’intérieur, en trottinant, un peu boiteusement, appréciant l’environnement et l’espoir d’un bon désinfectant. Elle n’arrive pas à se souvenir dans quelle série ou dans quel film elle a bien pu le voir. Elle n’est pas certaine si c’est américain ou européen. Elle n’arrive franchement pas à le replacer… si ça se trouve, elle ne l’a jamais vu, même si sa tête lui dit quelque chose. Va savoir. Tant pis, elle ne s’en fait pas trop pour ça. C’est une jolie maison, rustique, mais qui semble agréable. Il lui dit de faire comme chez elle, mais elle doute que ce soit vraiment ce qu’il attends, à ce qu’elle fasse comme chez elle. Non, chez elle, elle serait allée se faire couler un bain et elle s’y serait plongé avec délice et douleur.

- Oh, non, vous ne voulez surtout pas que je fasse comme chez moi. Déjà, j’aurais fait entrer les chiens et on me dit que je déplace beaucoup d’air… et les choses aussi, s’amuse-t-elle, candide.

Assise sur une des chaises, elle commence par se désinfecter la paume des mains, tandis que Ewan disparaît quelques minutes. Elle en profite pour remonter son legging pour atteindre ses genoux. Elle se rend compte qu’elle aurait tout aussi bien pu désinfecter le gauche par le trou dans son legging. Dommage, elle l’aimait bien ce legging. Tant pis. Elle grimace un peu, parce que bon, ça pique. Et puis comme il y a des saletés que que ça commencé à sécher, elle doit gratter un peu. Mais ce n’est pas sa première blessure et ça ne sera pas la dernière. Oh non, sûrement pas. Ewan revient et s’assoit à une chaise pas loin. elle lui sourit.

- Merci, c’est super gentil, dit-elle avant de grimacer parce que ça pique.

Ça pique, vraiment. Et ça se remet à saigner encore un peu, évidemment, puisqu’elle gratte. De quoi achever son legging. Vraiment dommage. Comment elle trouve sa demeure ? Elle le regarde, perplexe une seconde, puis regarde autour d’elle avant de lui sourire.

- C’est très joli ! Ça me semble confortable ! L’important c’est de s’y sentir bien, non ?

C’est, selon elle, tout ce qui compte, mais vraiment.

Oui, ça doit être bizarre. Enfin, elle n’a jamais eu de fan, du moins pas à proprement parler, mais c’était bizarre d’être constamment épié. Ici, elle est tranquille, personne ne la connaît, pour le moment. Une situation qu’elle espérait durer longtemps. Ou du moins qu’elle ne soit pas observée trop attentivement. Pas trop en détail. Après tout, elle refaisait sa vie, ici, et elle espérait que ce serait moins… comment dire… compliqué. Elle espérait que tout se passe normalement, mais elle se sait un peu paranoïaque, du moins plus que la moyenne des gens et pour de bonne raisons, du moins le croit-elle. Elle souhaitait de tout son être rester assez raisonnable pour que sa paranoïa prenne le dessus.

- Oh, si ça peut vous rassurer, ma maison n’a rien d’une villa américaine non plus. C’est même tout petit, dit-elle, avant de se reprendre. Enfin, non, pas tant que ça, mais disons que j’ai vécu dans pas mal plus grand.

Oui, une grande maison partagée avec ses parents. Sa partie de la maison n’était pas plus grande que sa maison actuelle, mais elle avait aussi accès au reste de la maison familiale, du coup, ça faisait le double de ce qu’elle a maintenant. Et elle habite avec deux personnes, dont un ado. Mais Miles est bien. Du moins pas pire qu’elle à l’adolescence. Beaucoup plus sage et raisonnable qu’elle d’ailleurs. Heureusement. Avec tout ça, elle se demande bien ce que ça aurait fait s’il n’avait pas été si raisonnable. Elle adore sincèrement son fils. En vérité, peut-être qu’il n’est pas son fils biologique, mais elle le considérait comme son fils tout de même. Du coup, le subterfuge n’était pas si difficile à tenir.

- Moi ? demande-t-elle un peu trop brusquement.

Allez, du calme Hetty. Il semble méfiant, mais ça ne peut pas être contre elle personnellement. Non, c’est contre sa présence. Pas elle, personnellement. Non, il ne sait rien. Allez, du calme, souris, sois raisonnable. Et Hetty change d’attitude. Quelques secondes plus tôt, elle a brièvement semblé craindre quelque chose, mais maintenant, c’est un grand sourire qui s’affiche sur son visage.

- Oh, j’ai toujours voulu habiter en Écosse, ment-elle avec enthousiasme. À son accent, elle est nécessairement américaine et pas écossaise. C’est facile à deviner ça. Mon mari et moi avons donc acheté un élevage de chiens, des border collies, précise-t-elle en désignant vaguement l’extérieur de la main. Après tout, ses chiens sont des border collies. Et j’adore courir et avec les chiens, c’est bien aussi. Évidemment, en ville c’est plus complexe de ne pas les attacher. C’est pour ça que j’essaie de trouver des endroits où je peux courir et où je peux les détacher un peu.

Faudrait qu’elle pense à ne plus les laisser dormir à l’intérieur… enfin, moins dans sa chambre, parce que bon, Nexus… eh ben il est possessif semble-t-il et quand Connor arrivera, ce sera peut-être un problème. Il a l’air fatigué. Et puis bon, elle ne va pas rester ici jusqu’à guérison complète.

- Bon, je ne vais pas vous déranger plus longtemps, dit-elle en se levant et en ramassant ses lingettes souillées. Elle cherche une poubelle du regard. Je vous remercie de m’avoir permi de me désinfecter un peu. Je crois que ça ira pour le retour. Je ferai attention. Enfin, un peu plus, dit-elle avec un grand sourire.