Music was my first love (ft. Alistair)

Alistair errait quelque peu dans les rues de la ville. Voilà plusieurs mois qu’il était là, plusieurs mois qu’il avait tout quitté pour fuir cette vie dont il ne voulait plus, cette vie toute tracée, définie par ses parents. Il lui avait fallu du temps avant de réaliser que ce n’était pas ce qu’il voulait, mais il avait fini par y parvenir, notamment grâce à l’aide de sa sœur. Elle lui avait ouvert les yeux et il lui en serait éternellement reconnaissant. Il s’était toutefois attendu à ce que ses parents l’aient retrouvé entretemps. Ils avaient certainement les moyens pour ça. Qu’attendaient-ils ? Il avait parfois l’impression d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Non pas qu’il voulait être retrouvé, mais il trouvait cela étrange. Peu importe. Il essayait de se vider l’esprit en parcourant les rues au hasard, découvrant tous les jours de nouveaux coins. Cette ville regorgeait de trésors cachés qui n’attendaient qu’à être trouvés. Il ne travaillait pas aujourd’hui et avait donc tout le loisir de se balader et de profiter de son temps libre. Même s’il n’avait pas besoin de travailler, il avait décidé de le faire. Il ne se voyait pas rester là, à ne rien faire. Et puis, il voulait apprendre, il voulait vivre de nouvelles expériences. Il était servi, au Starbucks. Avec tous les clients désagréables et insatisfaits qui lui en faisaient voir de toutes les couleurs. Même si ça allait mieux qu’au début, il arrivait encore au jeune homme de faire des erreurs. Il se demandait encore comment il pouvait encore être là, pourquoi on ne l’avait pas mis à la porte.

Alors qu’il s’interrogeait sur la question, une mélodie enchanteresse parvint à ses oreilles. Alistair aurait reconnu le son du violon n’importe où. Lui-même en jouait et il affectionnait particulièrement cet instrument. Il était donc curieux de voir qui jouait en pleine rue. Il suivit le son de la musique et se retrouva rapidement sur une petite place, à quelques pas d’un jeune homme jouant du violon. Une merveille. Il était doué, cela ne faisait aucun doute. Alistair resta planté là pendant plusieurs minutes, comme envoûté. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas eu la chance d’assister à une représentation de la sorte. Si on pouvait appeler ça une représentation. Sans s’en rendre compte, il s’était mis à sourire comme un idiot, tout seul, en entendant la musique. Il avait juste envie de rejoindre cet inconnu et de jouer avec lui. Ça le démangeait. Probablement sortirait-il son violon en rentrant. Il se demandait quand même comment quelqu’un d’aussi talentueux pouvait se produire dans la rue et non dans une salle de concert digne de ce nom. Hélas, vivre de la musique était difficile, il savait au moins ça. Mais ce jeune homme avait l’air passionné et la passion, Alistair la connaissait.
Il ignorait combien de temps il était resté là, mais il finit par approcher du musicien, sortant son portefeuille avant de déposer une belle liasse de billets dans l’étui du violoniste. L’argent n’avait aucune importance pour lui, cette somme représentait une bagatelle pour lui, alors qu’elle représentait sans doute beaucoup pour cet inconnu.

Néanmoins, Alistair était gêné dès qu’il donnait de l’argent à quelqu’un comme ça. Alors, il décida tout simplement de passer son chemin en espérant que le violoniste ne l’ait pas vu, qu’il ait eu les yeux fermés au moment où le blond avait déposé l’argent. C’était sans doute trop demander, mais il était naïf. Il commença donc à s’éloigner, même si au fond, il avait envie de parler à ce jeune homme, d’en apprendre plus sur lui, sur sa passion, sa musique. Il n’était certainement pas assez sûr de lui pour ça.

Alistair avait vraiment apprécié la musique de ce jeune homme et il voulait l’encourager, l’aider. Il n’avait jamais manqué de rien et ne savait pas ce que ça signifiait, mais il n’était pas idiot non plus. Il savait très bien que le monde n’était pas tout rose et que tout le monde ne roulait pas sur l’or. Peut-être que ce violoniste gagnait son argent comme ça. Il dépendait donc de la générosité des passants. C’était courageux de sa part, vraiment. Alistair ne savait pas s’il serait capable de faire ça et de s’exposer ainsi aux yeux et aux oreilles de tous. Il se félicita intérieurement d’avoir eu le bon sens d’aller voir son banquier avant de quitter le domaine familial. Il était certes majeur depuis un moment, mais son père avait le bras long. Nul doute qu’il n’aurait pas hésité à lui couper les vivres pour le punir après sa petite rébellion, l’obligeant à rentrer et à supplier son père de le laisser revenir. Il avait mis du temps à se rendre compte de ce qui se passait réellement, du fait que cette vie n’était pas…normale. Grâce à sa sœur, il était enfin libre. Même s’il s’attendait évidemment à voir débarquer des hommes envoyés par son père à tout instant. Mais il ne pouvait pas vivre dans la peur tout le temps. Il voulait profiter tant qu’il le pouvait.

Quoiqu’il en soit, il avait donc déposé une liasse de billets dans l’étui du violoniste avant de partir rapidement. Il était gêné et il ne voulait pas que le jeune homme fasse de scène. Il savait comment pouvaient être les gens face à autant d’argent. Généralement, ils refusaient, affirmant que c’était trop et un petit débat s’en suivait. Il s’était donc éloigné, se mélangeant aux passants, ne pensant pas une seule seconde que le musicien le suivrait et le rattraperait. Lorsqu’il sentit quelqu’un lui attraper brièvement le bras, son cœur loupa un battement. Ils l’avaient enfin retrouvé ? Ils l’obligeraient à rentrer, alors qu’il n’en avait aucune envie ? Cette crainte ne dura qu’une seconde, le temps qu’Alistair se retourne pour réaliser que non, ce n’était pas un gorille envoyé par son père. C’était le musicien de tout à l’heure. Merde. L’avait-il vraiment suivi ? Néanmoins, il se sentit aussitôt soulagé, même si son cœur battait toujours à tout rompre. Quelle frayeur ! Le jeune homme commença donc par le remercier pour l’argent, l’air gêné. Alistair n’était pas non plus la personne la plus à l’aise qui soit et, lui aussi, sentit le rouge lui monter aux joues. Quel duo de débiles ils faisaient ! Le blond esquissa cependant un petit sourire et secoua doucement la tête. « Ne me remerciez pas. Ça me fait plaisir. Vraiment. » Il se passa une main dans la nuque, comme à chaque fois qu’il se sentait gêné. Ils avaient ce geste en commun, apparemment.

« Vous êtes vraiment doué. Je me suis dit que vous méritiez bien un petit encouragement. » Son sourire s’adoucit. « Je joue moi-même du violon. Et je sais reconnaître quelqu’un de talentueux. Enfin…je pense. » Mais qu’est-ce qu’il racontait ? Il ne voulait pas avoir l’air prétentieux ou il ne savait quoi. Il s’embrouillait tout seul avec ses conneries. « Je peux vous inviter à boire un verre ? J’aimerais beaucoup parler musique avec vous. Enfin…si vous êtes libre. » C’était bien Alistair, ça. Proposer à un parfait inconnu d’aller boire un verre ensemble. Tout comme il avait carrément proposé à une jeune femme sans-abri de loger chez lui, il y a quelques mois. « Je m’appelle Alistair. Enchanté. » Il tendit la main au jeune homme avant de la serrer doucement. Les présentations étaient la base, après tout.

Alistair était un peu gêné, il n’avait pas vraiment pour habitude de se faire ainsi « rattraper » par quelqu’un à qui il avait donné une certaine somme, comme ce musicien des rues. Néanmoins, il assumait parfaitement son geste, ainsi que l’argent qu’il lui avait donné. Il en avait plus qu’assez, alors il pouvait bien s’en servir pour aider quelqu’un. Ce n’était rien pour lui et puis, il aimait faire plaisir. Autant utiliser son argent à bon escient au lieu de le dilapider dans des choses futiles comme malheureusement beaucoup de personnes aisées. C’était égoïste et Alistair était tout sauf égoïste.  L’une de ses sœurs était encore plus généreuse que lui, elle avait carrément voué sa vie à aider les autres. Par contre, la plus jeune était une vraie princesse pourrie gâtée. Mais la question n’était pas là, de toute façon. Le musicien l’avait rattrapé et le blond crut bien qu’il allait l’obliger à reprendre son argent. Heureusement, il sut le convaincre du contraire, avant de faire les présentations et de lui confier que, lui aussi, jouait du violon. La musique, ça rapprochait. La musique touchait toutes les classes sociales. Ne disait-on pas que la musique rassemblait, même ? Dans leur cas, c’était on ne peut plus vrai. Il esquissa un petit sourire lorsque son interlocuteur se présenta, ne pouvant empêcher sa curiosité de prendre un instant le dessus. « Nels ? Cela ne me semble pas très commun par ici. C’est de quelle origine ? » Il se surprenait à se sentir étonnamment à l’aise à cet instant précis. Bien qu’il sentît le rouge lui monter légèrement aux joues, il se sentait moins gêné que d’ordinaire. Peut-être apprenait-il à interagir avec des inconnus, à s’adapter à cette société qui lui avait été totalement inconnue jusqu’à il y a quelques mois à peine.

Ayant envie de continuer à discuter avec le musicien, Alistair proposa donc d’aller boire un verre. Une demande qui pouvait surprendre, c’était évident. Après tout, ce n’était pas courant d’inviter un parfait inconnu de la sorte. Pourtant, Nels accepta, même s’il parut hésiter un instant. Ce qui était parfaitement compréhensible. S’il pensait réellement qu’Alistair allait le laisser payer leurs futures consommations, il se trompait lourdement. Il était évident que le musicien avait besoin d’argent, alors il ne le laisserait pas le jeter par les fenêtres comme ça. Bien sûr, ce n’était qu’une supposition, mais pourquoi s’amuserait-il à jouer dans la rue, sinon ? Quoiqu’il en soit, une fois installés à une table, Alistair hocha la tête à la question de son interlocuteur. « Oui. Enfin… je n’ai pas vraiment la prétention de me qualifier de musicien. Je joue simplement d’un instrument qui me plait. Je ne sais pas si j’ai du talent ou non. » Il se gratta la joue, un peu embarrassé et s’apprêta à poursuivre lorsque le serveur vint prendre leur commande. Alistair se contenta de commander un thé, sa boisson de prédilection. L’alcool, très peu pour lui. A part une coupe de champagne de temps en temps, lors des occasions spéciales, il n’y touchait pas. Il tenait très mal l’alcool, de toute façon. Mieux valait épargner ça à Nels.

Une fois le serveur reparti, le blond reprit donc. « Je joue aussi du piano. En fait…j’ai appris très jeune et on m’a toujours appris à être le meilleur, à maîtriser mes instruments à la perfection. Alors…oui, je connais la technique. Mais je ne pense pas pouvoir mettre autant d’émotion que vous dans ma musique. » Ce n’était pas de la fausse modestie, il le savait, c’était tout. « Vous jouez depuis longtemps ? Et…pourquoi dans la rue ? Je veux dire… ce n’est pas trop difficile ? Cela ne vous gêne pas d’être entendu et vu par tous ces gens ? » En fait, il l’admirait sans doute pour ça. Lui-même n’en aurait probablement jamais le courage.